Le remboursement des protections périodiques
ou la précarité menstruelle
Ce que font les politiques
Mairie de Nantes
C’est grâce à notre entretien avec madame Emilie Mottier, chargée de mission au sein du cabinet de la maire de Nantes, que nous avons découvert les implications déjà existantes de la mairie dans ce domaine, au niveau local. Selon elle, cette problématique est présente depuis 2 ou 3 ans dans les engagements de la mairie (à savoir au cours du dernier mandat). Puisqu’elle pose des questions d’intérêt général, elle devient une problématique qui doit être saisie par la sphère publique, et notamment à l’échelle d’une ville qui serait plus en capacité de traiter un tel sujet de proximité.
C’est pour cela que, selon la collaboratrice de la maire de Nantes, la mairie commence réellement à s’investir pour la précarité menstruelle et l’accès des femmes aux protections périodiques. Durant ce dernier mandat donc, la mairie de Nantes a créé des partenariats avec certaines associations afin d’appliquer des politiques d’aides aux femmes les plus précaires, notamment les femmes sans domicile fixe.
"Ce qui est privé est public"
Valérie Richaud-Taussac,
Déléguée départementale aux droits des femmes et à l'égalité de Loire-Atlantique

Dessin de Liza Nanjod
Ainsi, en septembre 2019, la mairie a rénové une maison du quartier des Olivettes pour la mettre à disposition de quatre femmes sans domicile: un investissement à hauteur de 170 000€ en partenariat avec l’association Féminité sans abris (qui s’occupe depuis quelques années de récolter et de fournir aux femmes sdf des ‘kits hygiène‘ comprenant notamment des protections périodiques). Le but du projet est donc de réinsérer des femmes en difficulté, tout en leur permettant de retrouver un accès aux produits de premières nécessités qu’elles ne pouvaient facilement se procurer, dont ces protections périodiques.
Par ailleurs, la mairie a entrepris la rénovation des bains publics, pour permettre un meilleur accueil de toutes les populations, particulièrement des femmes et des familles. On retrouvera à disposition des kits d’hygiènes et des protections hygiéniques. Ce projet est encore en cours, et les modalités dans le choix des protections et dans leur mode de distribution sont pour le moment en suspens. Il reviendra à la nouvelle équipe de la mairie élue en mars 2020 de se prononcer là-dessus: cela permettra sans doute d’identifier l’implication de la mairie dans ce domaine puisque pour le moment, ce sont sous “conditions” que les femmes et les hommes précaires peuvent accéder gratuitement à ce lieu rénové pour elleux.
Voilà donc une preuve que la sphère politique commence à se saisir de ce sujet qui pose des problèmes au quotidien à de très nombreuses femmes: si la direction prise ne semble pour le moment pas aller vers une gratuité des protections pour tou.te.s, elle permet en revanche d’envisager à l’avenir une possible amélioration de cet aspect de la vie quotidienne des femmes, notamment les plus précaires.
Ce que font les associations et collectifs
Collectes dans les bars
Concernant la ville de Nantes, on a pu remarquer que le sujet de la précarité menstruelle s'infiltre même dans des lieux qui à première vu ne semblent pas être “politiques”.
En effet, le collectif d’actions féministes - Nantes a mis en place un système de collecte de produits hygiéniques en tout genre dans certains bars de Nantes. L’idée de cette association non déclarée, plutôt inédite dans les rues de Nantes, était de mettre une boite dans différents bars partenaires, à la vue de toutes et tous, afin de collecter des tampons, serviettes, cup, lingettes, protège slip et autres, puis de les redistribuer, grâce à des maraudes, aux femmes dans la rue, femmes précaires et migrantes. Le collectif, particulièrement actif sur la scène féministe Nantaise, milite grâce à des action variées pour l'amélioration des conditions de vies des personnes touchées par le sexisme. Il a donc pour cela fait un partenariat avec huit bars, à savoir l’Atomic’s café, le Hopopop café, le bar Au chat noir, le Live bar, le Night L, le 13 et 3, le Bar du coin, et le Café du cinéma. Leur affiche pour cette collecte portait un message clair “ Luttons contre la précarité menstruelle”.


Ce qui était sensé être des collectes ponctuelles s’est transformé en collectes permanentes dans ces bars partenaires choisis d’une part pour leur localisation (centre ville de Nantes) mais aussi, selon notre interlocutrice du collectif, “au feeling, c’était des bars ouverts aux question d'entraide.” Si le collectif d’actions féministe Nantes est clairement à gauche de l’échelle politique, on pourrait penser qu’il en va de même pour les bars partenaires, qui en règle général attirent une population (pour la majeure partie) avec des idées dites “de gauche”. Le bar Au chat noir étant un exemple concret de l’implication des bar dans la vie politique, particulièrement depuis le début de l’année avec les luttes sociales.
On remarque donc le prisme politique de cette controverse à différentes échelles, et comme nous l’a dit Valérie Richaud Taussac “le privé est publique”. Et pour cause, sur la page Facebook du collectif, on peut voir que pour elles, la précarité menstruelle est un sujet politique, révélateur d'inégalités sociales et de sexisme. Elles déplorent qu'à l'échelle de la ville de Nantes, si des initiatives sont prises pour lutter contre la précarité ou pour l’aide aux personnes sans domicile fixe, elles restent trop insuffisantes; les initiatives populaires étant à leur sens plus percutantes et efficaces. Elles mettent également l'emphase sur les dégâts sanitaires que la précarité menstruelle engendre. Leur engagement social dans la ville de Nantes à non seulement permis à des femmes précaires de pouvoir être aidées, mais également de mettre en lumière un sujet d’une importance vital dont on ne parle encore que trop peu. Un projet né “d’une conversation entre amies, un besoin de justice et un goût de révolte”.

Photographie par Annalisa Bagetta